C’est avec un clin d’œil, et parce qu’il y avait prescription, que Vivien nous raconte qu’elle avait participé un jour, avec des coreligionnaires partageant les mêmes idées, à détruire à la scie le mirador d’un « vilain chasseur ». Une réaction normale de notre part aurait dû être, devant un tel sacrilège, de prendre, horrifiés, notre tête entre nos mains. Au lieu de cela nous vint à l’esprit le parcours de deux de nos ministres allemands les plus populaires qui, avant leur carrière politique, étaient eux-aussi très proches de la gauche. Parfois même plus proches que cela n’est permis. En tant que ministre de l’intérieur et des affaires étrangères, leur vision et leurs déclarations ont évolués, au cours des années, dans un sens qui aujourd’hui ne peut que nous laisser perplexe.
Changement de décor
La vie de Vivien a également été marquée par une évolution de sa manière de penser et de d’agir, sans pour autant avoir renié à l’intégralité de ses convictions passées. Sa relation très étroite avec la Nature, parfaitement assumée, et son profond amour des animaux, Vivien ne les a non seulement sauvegardés mais lui a permis d’aiguiser encore davantage son sens de l’observation.
Entretemps elle a renoncé à sa stricte observation des règles vegan. Sa relation très proche avec les hiboux et les chouettes a aussi largement contribué à la modification de son état d’esprit. Le fait que ces animaux sont des chasseurs et des consommateurs de viande avaient déjà contribué à semer le doute dans la façon de voir les choses de Vivien.
„On nous apporte beaucoup de jeunes oiseaux. Les élever nous procure nos plus grandes joies. On y ressent de véritables sentiments maternels.“
Le fait que Vivien se soit montrée très critique envers la production de viande conventionnelle, l’a conduit dans un premier temps, à vouloir se procurer sa propre viande par la chasse. Cependant, en raison de son absence totale de relations avec des chasseurs et du monde de la chasse, elle était consciente des difficultés à atteindre cet objectif. C’est alors que Vivien décida de s’engager bénévolement à la station de sauvetage et de réintroduction de rapaces de Hassloch. Le travail ne manquait pas. Des Milans blessés par les éoliennes et dont la plupart ne pouvaient plus être sauvés, ou des promeneurs ignorants qui ont ramassé des jeunes chouettes – en permanence de nouvelles tâches se présentent. Soigner tous ces animaux, pour ensuite pouvoir les rendre à leur milieu, nécessite aux côtés de la compétence, énormément de doigté et avant tout de beaucoup de temps.
Mais l’idée de se mettre à la chasse était toujours présente. Au contraire et c’est la chasse au vol qui exerçait sur elle une fascination croissante. Mais il y avait là un obstacle majeur. Pour obtenir le permis de chasser au vol il fallait être titulaire du permis de chasse général. Ce qui laissa naître en elle des sentiments hésitants et contrastés. L’image de la chasse qui lui avait été présentée jusque là n’avait pas fait croître sa sympathie pour les chasseurs. A sa grande surprise cependant, Vivien a pu, dès les premières heures de cours au sein d’une école de chasse privée, se débarrasser de bien de préjugés. Le directeur, propriétaire d’un magasin d’articles de chasse renommé du Palatinat ainsi que d’autres intervenants expérimentés, ont su ouvrir les yeux de Vivien sur la complexité des différents aspects de la chasse. Elle prit alors peu à peu conscience que les chasseurs sont des protecteurs de la nature et pas seulement des « assassins d’animaux ». Il est évident, qu’au début, Vivien se sentit parmi les autres chasseurs en herbe, comme une étrangère. Elle se différenciait par trop des autres élèves mais aussi des formateurs et des chasseurs, par son apparence plus qu’inhabituelle. Des regards étonnés suscitèrent cependant très vite la curiosité et des questions, et alimentèrent les conversations sur sa personne. Ce qui devait ne pas s’avérer négatif pour Vivien. Elle dirige un petit studio de tatouage et à son contact toute une série de candidats au permis de chasse et même des chasseurs déjà confirmés ont émis l’idée de se faire réaliser par elle, sur eux, une œuvre d’art inimitable.
Naturellement Vivien, au cours de sa formation, sut briller avec ses connaissances étendues sur les rapaces. En revanche chez plus d’un membre du NABU (1) qui dirige la station de réimplantation des rapaces, les nouvelles ambitions de Vivien provoquèrent quelques froncements de sourcils. Aujourd’hui pourtant elle y est non seulement acceptée comme chasseresse mais, en raison de son engagement sans limites, unanimement appréciée. On sent très nettement chez Vivien le dévouement qui l’anime dans le soin qu’elle apporte à ses protégés. On s’aperçoit aussitôt qu’il s’agit là de sa vraie profession. Qu’elle soit aussi, de la sorte, un intermédiaire digne de confiance entre chasseurs et protecteurs de la nature non chasseurs, on ne peut que lui en vouer une reconnaissance sans limites – surtout si l’on sait que nous chasseurs, nous avons trop longtemps été réticents à mettre en lumière, auprès du grand public, notre amour pour la nature.
(1) Le NABU est un organisme de protection de la nature allemand particulièrement actif et pas spécialement connu pour ses positions favorables à la chasse. (note de la rédaction)
