ART DE VIVRE

DANS LES CEVENNES

Invités dans le Sud sauvage de la France

Aller en avion à Marseille pour le brame du cerf ? Une recommandation de notre hôte qui n’a pas manquée de nous surprendre. Jusque là nous ne connaissions la cité portuaire du bord de la Méditerranée que par les films français de gangster. Nous attendions donc avec d’autant plus d’impatience le véritable but de notre voyage.

Comme c’était également notre cas au par avant, la France était certainement, pour la plupart des chasseurs d’expression allemande, très largement inconnue en tant que pays de chasse. Excepté l’Alsace, où la chasse répond largement à nos us et coutumes, partout ailleurs en France, d’autres règles ont cours. De plus la chasse y est ici encore très populaire. Le fait que la densité de population atteint à peine la moitié de celle de l’Allemagne, en est sans doute l’une des raisons. Suffisamment d’espace donc pour les animaux vivant à l’état sauvages, des espaces qui en bien des endroits, ont été épargnés par les remembrements et par l’agriculture industrialisée sur de grandes superficies. Cette situation, on en prend parfaitement conscience, lors d’un vol de l’Allemagne vers la France. D’innombrables haies et des bosquets champêtres marquent le paysage une fois la frontière traversée.

La destination de notre voyage, la petite commune de Saint-Germain-de-Calberte, n’est éloignée de l’aéroport de Marseille que de 180 km. Ensuite, sur l’autoroute on avance plutôt bien, mais pour le restant du trajet il faut davantage de temps. Les routes soudain se rétrécissent et deviennent sinueuses, alors que le paysage lui aussi, change totalement. A la place de la Camargue au charme méditerranéen et toute plate, la route étroite nous conduit, sans prévenir, en lacets à travers la montagne avec ses gorges et ses vallées étroites. Ce qui nous a surpris le plus c’est la végétation où dominaient les châtaigniers. Nous étions fin septembre et c’est la couleur, encore d’un vert lumineux, qui nous a étonné encore davantage, une teinte que nous connaissons seulement, de nos feuillus, fin mai.

La petite localité au charme romantique de Saint-Germain-de-Calberte avec sa situation de rêve nous accueillit comme seule la France sait le faire, à la manière d’un livre d’image. Des maisons en pierre de taille, la vieille église, le Bistrot et la boulangerie constituent, sur une toute petite surface, le centre de ce village enchanteur. C’est ici aussi que nous accueillit André notre hôte, président de la société de chasse de la région et propriétaire de la petite boucherie du lieu.

Quand nous nous apprêtions, le lendemain matin à aller à la chasse, nous étions prévenus : André nous a raconté la veille qu’ici dans les Cévennes les préférences des chasseurs vont à la chasse du sanglier en battue. Aussi n’y a-t-il pratiquement aucune installation cynégétique pour la pratique de l’affût, et le cerf se chasse presqu’exclusivement à la pirsch. Avec un sol sec et pierreux et une végétation dense encore bien présente à la saison du brame, un véritable défi.

Nous avions donc clairement pris conscience que pour connaître le succès à la chasse, nous allions devoir essentiellement nous fier au hasard. Mais cela ne nous dérangeait pas le moins du monde. Les nombreuses impressions, nouvelles pour nous, de ces paysages sauvages et tout à fait uniques, nous ont largement récompensés et ont fait que notre voyage en valait la peine.

Le peu de jours que nous avons pu consacrer à la chasse ont été accompagnés de fascinants concerts de brame. Venus des profondeurs des étroites vallées cela était particulièrement impressionnant. Nous avions eu plusieurs fois l’occasion de voir du gibier mais sans la possibilité d’assurer un bon tir. L’espoir, nourri par André de pouvoir au moins nous faire prélever un cerf page ne se réalisa pas, malheureusement. André voulut nous consoler en déclarant qu’un bon repas, après la chasse, était autrement plus important qu’un trophée. Nous éclations de rire et lui donnions raison. Avec des spécialités régionales et des vins de choix, André nous a effectivement choyés, au delà de toutes espérances.

André, est-ce facile pour un boucher de devenir chasseur ? En fait, la mort fait partie de leur activité quotidienne…

Certes par notre métier nous sommes habitués à abattre des animaux et à les traiter, mais à la chasse il ne s’agit pas seulement de la mort. La passion de la chasse l’emporte. Il s’agit, en commun avec les chiens et les amis, de se retrouver dans la nature et de développer à son encontre des liens très personnels. Nous évoluons dans le même espace de vie que les animaux sauvages et les observons de très près. Nous suivons également la modification de leur comportement au fil des saisons. J’attache beaucoup de prix à conserver ce lien originel avec notre environnement. Il est évident que je me réjouis d’une chasse qui a été couronnée de succès. Cela fait partie du cycle de la vie. Peut être faut-il avoir participé, ne serait-ce qu’une fois, à une chasse corporellement éprouvante, comme cela est souvent le cas chez nous, pour comprendre le sentiment de joie – et parfois aussi le soulagement – quand, après une longue approche et un parfait coup de carabine, la chasse prend fin et que le gibier est récupéré et transporté en commun.

Comment avez-vous découvert la chasse ?

Fondamentalement, la chasse, ici dans les Cévennes, est encore très présente. Quand en 1970 il était question de fonder le Parc National des Cévennes, les habitants posèrent comme condition d’y maintenir le droit de chasse. C’est la raison pour laquelle de nombreux chasseurs continuent à y habiter car le droit de chasse a été maintenu pour les autochtones. Cela crée du coup un lien très intense avec le parc national. Je suis venu à la chasse par mon père qui par ailleurs été déjà, lui aussi, boucher. Chez nous, tout ou presque tournait autour de la chasse et avec dix ou onze ans j’ai commencé à l’accompagner à la chasse.

Et quel a été votre plus belle expérience de chasse ?

Cela a aussi été avec mon père. Nous avions organisé une petite batture et j’y participais avec mes deux chiens. Mon père a tiré un sanglier que nous avions alors retrouvé ensemble. Je peux encore très bien me souvenir de ce moment de communion avec mon père et mes chiens. Le sentiment d’avoir réussi, en commun, un acte chasse m’avait rempli d’une grande joie.

Vous êtes le président de la communauté des chasseurs du Parc National des Cévennes. Comment donc y chassent-t-on ?

Pour vous en faire une première idée je voudrais vous citer quelques chiffres. Près de 2000 chasseurs y chassent sur 77 000 ha, chevreuils, cerfs, sangliers, lièvres et bécasses. La chasse y est autorisée tous les jours sauf le vendredi.

Lors des journées passées nous avons pu mesurer combien il était difficile, dans cette végétation, ne serait-ce que d’apercevoir des animaux. Comment pouvez-vous, dans de telles conditions, gérer les populations de gibier ?

Nous n’avons effectivement pas de plan de chasse. Nous devons néanmoins réguler les populations de gibier dans le parc national. Le maintien de l’équilibre entre la flore et la faune fait aussi partie de la chasse.

Et comment parvenez-vous à éviter que ce ne sont pas uniquement des grands cerfs qui sont prélevés ?

Celui qui veut chasser obtient au préalable un dispositif de contrôle, le bracelet, qui doit être apposé sur le gibier abattu. Lors de la distribution de ces bracelets les chasseurs reçoivent des instructions pour que les tirs soient répartis dans toutes les classes d’âge. Les chasseurs prennent donc eux-mêmes la responsabilité d’obtenir une population de gibier équilibrée.

Il est vraisemblable que l’exercice de la chasse dans un parc national soit encore lié à de toutes autres contraintes ?

Certainement, car il y a beaucoup d’autres utilisateurs de la nature. Nous avons ici en été d’innombrables randonneurs et cyclistes. C’est pour cette raison que nous ne commençons la chasse que le deuxième dimanche de septembre, quand le nombre de visiteurs a déjà bien diminué.

On aurait pu croire que les charges qui étaient les vôtres jusqu’ici, auraient pu suffire – mais pas pour vous. Depuis 2013 vous êtes aussi président de la fédération des chasseurs de la Lozère.

Quand on m’a demandé si je voulais bien prendre la fonction de président j’ai accepté, volontiers. Nous les chasseurs, nous devons toujours plus fréquemment expliquer la chasse à la collectivité qui semble vouloir toujours de moins en moins comprendre cette manière de vivre. La chasse me tient particulièrement à cœur et c’est la raison pour laquelle j’essaie toujours d’entretenir le dialogue avec les groupes intéressés.

Cela donne l’impression d’un job supplémentaire…

Il est vrai qu’il en est ainsi. Les multiples tâches ne peuvent être maîtrisées que grâce à une étroite collaboration avec le directeur de la fédération, Joseph Matera. Nous sommes en permanence en étroit contact que ce soit pour réfléchir à la manière d’améliorer le service proposé aux 5600 membres, que de gérer les dégâts de gibier, réagir aux discussions avec la collectivité. Je souhaiterais poursuivre cette fonction encore quelques années car il y a beaucoup à faire si nous voulons préserver la chasse.

Et avez-vous déjà eu l’occasion de chasser en Allemagne ?

Pas encore, mais il doit très certainement y avoir également de belles chasses. Par ailleurs cela me réjouirais de découvrir les traditions de chasse allemandes.

 

Ces vieux murs enchantés ne sont pas encore tous sortis de leur sommeil, loin de là.

Les châtaignes, une des principales essences d’arbres des Cévennes

Dans cette végétation dense il n’est pas facile de découvrir le gibier

 

Des montagnes et des gorges qui font partie intégrante du paysage cévenol

Le Parc National des Cévennes

Il est situé dans la partie méridionale du Massif Central et couvre une région de plus de 900 kilomètres carrés. Son plus haut sommet dépasse les 1700 m. Déjà au 16ème siècle furent implantés, dans ces contrées rocheuses et arides des châtaignes dont il existait, dans le temps, plus de deux cents variétés. La châtaigne est restée jusqu’à aujourd’hui l’essence d’arbres dominante et une raison majeure de la forte population de sangliers.

Pendant l’hiver 1709 un gel du siècle a décimé la quasi-totalité des châtaigniers. Suite à cet évènement naturel extrême, furent implantés au 18ème siècle des muriers pour l’élevage du ver à soie. Aujourd’hui ce sont les châtaigniers, le pin et le chêne qui sont redevenus les essences principales. La chasse s’exerce essentiellement sur le sanglier mais le cerf, le chevreuil et le mouflon sont également concernés.

 

Une authentique boucherie de village. Rien qu’en franchissant le seuil on a l’eau à la bouche

 

La fierté de ses produits se lit sur le visage d’André

Avec beaucoup de ferveur on réalise encore, ici, un authentique travail manuel

 

« Les chasseurs prennent eux-mêmes en main la responsabilité de la gestion du gibier

Remarque de la Rédaction :

Ceux qui seraient intéressés par la chasse dans le Parc National des Cévennes peuvent écrire à redaktion@passion-magazin.com

Prière d’avoir conscience de la nécessité d’avoir des connaissances en français

NATURE ET GIBIER

A très grande distance

Dans les Cévennes il n’est souvent possible d’observer longuement le cerf que du versant d’une vallée à l’autre. Bien trop loin pour un tir à la carabine. Même l’appareil photographique atteint très rapidement ses limites, mais il a tout de même été possible de fixer à jamais cette atmosphère inoubliable

 

Il faut compter toujours et partout avec l’apparition de sangliers

La Blaser R8 : une des carabines de chasse de loin les plus prisées en France

 

Le brame du cerf bat son plein. Mais rares sont les possibilités de réalisé un tir sûr