Il est 10 heures du matin. Karl Hörmann, un chasseur professionnel des forêts domaniales bavaroises, passe un sac à dos vert clair à Hannes. «Il est temps d’y aller. Voyons si nous pouvons trouver la chèvre que j’ai choisie pour vous. Elle est vieille et bréhaigne. Elle ne pourra plus avoir de petits. »Et il s’en va, accompagné de sa chienne de chasse tyrolienne, Bella. Le soleil est caché par un ciel couvert, avec des nuages suspendus comme un voile sur les sommets de la montagne. Hannes suit les traces des chaussures de montagne de Karl. Ils avancent rapidement sur le sentier de randonnée. Le lac scintille de gris et ses rives sont desséchées. «Il a fait très chaud cet été», déclare Karl. «Le lac a généralement beaucoup plus d’eau et quand le soleil le frappe, il émet une lumière vert émeraude.» Karl lève ses jumelles et scrute systématiquement les parois rocheuses. “Il y a quelques chamois dans les sapins.” Hannes regarde à travers ses ZEISS VICTORY RF 10×42. Quatre d’entre eux se révèlent parmi les sapins. « Est-ce que ce sont des femelles ou des éterlous, Karl ? » « Nous devrons les examiner de plus près, répond-il, avec la longue vue. Mais d’abord, nous devons traverser ce pré et ensuite grimper plus haut. »

LE PREMIER Et le dernier
Après une marche de 15 minutes sur un sol peu pentu, Karl installe sa longue-vue tandis que Hannes se penche en arrière. Le triathlète est en pleine forme et se sent bien. «Etrange que les chamois n’aient pas fui. Ils nous ont repérés depuis longtemps. »« Eh bien, répond Karl, ils ont l’habitude des randonneurs et, d’ailleurs, nous ne sommes qu’au début du mois d’août. La saison des chamois vient de commencer et le gibier n’a pas encore vraiment senti la pression de chasse. » Chacun est observé et analysé à la fois avec des jumelles et une longue-vue. Hannes ne peut en avoir aucun. «Tous les sujets sont jeunes ou d’âge moyen», déclare Karl. Il se réchauffe. Le soleil traverse maintenant les nuages et le ciel au-dessus devient bleu clair. Les premiers randonneurs croisent notre chemin et passent près des chamois qui se tiennent dans des rochers grisâtres, à environ 200 mètres au-dessus d’eux. “Vous pensez que les touristes voient ces chamois ? » s’interroge Hannes. « Non, je ne pense pas » répond Karl.
Après une demi-heure, Karl utilise sa canne de marche pour indiquer la direction de la prochaine approche. «Nous allons grimper vers les falaises, puis traverser les peuplements de sapins et passer derrière la crête rejoindre la gorge en dessous. Peut-être qu’une chèvre se cache là quelque part. » Le sol est caillouteux, des éboulis se cachent sous l’herbe rase et entre les pins. Hannes se sert de son bâton de marche pour pouvoir se retenir dans la pente. Il marche lentement, avec précaution. Le triathlète ne lutte pas avec son endurance, mais avec son équilibre et des pas assurés face à l’abîme menaçant. Sur le chemin de crête, au moins 30 chamois sont repérés, mais aucun ne convient. Karl propose : «faisons une pause. On ne trouve jamais tout d’un coup. » Depuis les hauteurs, Hannes et Karl examinent les environs sans se presser – toujours pas de chamois pour Hannes. Celui-ci me donne un petit coup de coude: « Je pense que c’est pour aujourd’hui. »
La dernière étape est devant nous : rejoindre la gorge. Il nous faut presque tout donner pour traverser une pente très abrupte couverte d’éboulis instables et d’herbe rase glissante, mais en une demi-heure, nous accomplissons une approche en biais. Devant nous se trouve la gorge, une crevasse gigantesque remplie de rochers blancs scintillants. Et au milieu de tout cela des chamois… « Chèvre ! » Karl, qui a depuis longtemps installé sa longue-vue, murmure à Hannes : « Préparez-vous ! » Il pose sa carabine Blaser R8 sur son sac à dos et monte dans la chambre une cartouche RWS Short Rifle SPEED TIP PROFESSIONAL en calibre 308 Win. «Le chamois à l’arrière, allongé au soleil sur cette grande dalle carrée, c’est une femelle ! Ce n’est pas la chèvre à laquelle je pensais pour vous, mais celle-ci a connu des jours meilleurs – elle a au moins dix ans. Et n’a pas de petits! » Deux animaux s’éloignent, suscitant l’inquiétude de la vieille chèvre. Elle se lève et traverse lentement l’étendue couverte d’éboulis. Hannes a déjà mesuré la distance : 212 mètres. Pas de problème pour un tir sur appui. Quelques clics seulement sont nécessaire pour le réglage de la plage ASV. Karl murmure : « Quand elle s’arrête, tirez ! » La vieille chèvre tourne à droite et s’arrête juste devant nous. Le coup ressemble au son d’un bouchon de liège sortant d’une bouteille de champagne. La chamois s’arcboute immédiatement et tombe au sol.
« Maintenant, vous partez après avoir tiré sur le dernier chamois à Mittenwald ! », déclare une femme svelte, âgée de cinquante ans environ, aux bras croisés. Elle porte un short vert avec un imperméable rose et des cheveux courts et gris. Hannes, pliant sous le fardeau de la chèvre dans son sac à dos, la tête et les sabots dépassant du haut avec culpabilité, réussit à éviter cette randonneuse au dernier moment. Il est en train de descendre; elle monte. Le chemin est étroit et escarpé et le gravier glissant comme du savon. Karl s’arrête et dit en riant: « Il y a tellement de chamois que nous pouvons nous permettre d’en tirer quelques-uns.» « Je ne le crois pas répond-elle Je viens ici depuis dix ans et je n’en ai jamais vu un seul ! » Hannes qui vient de reprendre le contrôle du sac à dos et de ses pieds sur le gravier, offre à la randonneuse ses jumelles en disant: «Regardez là-haut. Une belle chevrée est debout sur ce rocher ! »Elle prend les jumelles et observe la paroi rocheuse. «Effectivement, ils sont là. Et quelques petits sont avec eux ! »Sa bouche se relâche. Karl grimace et marmonne: «Viens Hannes, cette chèvre ne va pas s’alléger en chemin ! » La randonneuse rend les jumelles à Hannes, rétrécit les yeux et secoue légèrement sa tête. « Je me demande combien de fois je suis passée devant des chamois sans jamais le savoir ? » Hannes continue à descendre. Le gravier craque sous ses chaussures. Avant que le petit chemin de randonnée ne prenne une courbe serrée vers la vallée, Hannes se retourne pour jeter un dernier coup d’œil. La femme est toujours là, figée, se réjouissant de sa bonne fortune. Et Hannes aussi, bien qu’il m’avait dit deux heures auparavant: « Je pense que ce sera tout pour aujourd’hui »…